La Fondation Vincent van Gogh à Arles a invité David Brunel (écrivain et photographe, docteur en philosophie esthétique et études psychanalytiques) pour présenter deux conférences, dans ses salles, directement devant les photos de l'actuelle exposition "… et labora", collection de Ruth et Peter Herzog de Bâle. Une centaine de photographies de la fin du 19e et début du 20e siècle comme témoignages sur l’époque de Van Gogh ainsi que sur les racines des réalités sociales du début du siècle dernier.

Ces photos, qualifiées plutôt de "photographies humanistes" à l'origine sans prétention artistique, sont devenues avec le temps un témoin, et comme souligne David Brunel: "Si les personnes photographiées ne sont plus de ce monde et que nous n'avons aucun lien avec ces sujets, l'âme du photographe y est restée imprégnée pour toujours". Et c'est ceci qui provoque les émotions lorsque nous les regardons. Dans ses débuts, la photographie a dérangé l'art. Le réalisme immortalisé sur les supports argentiques contrastait fortement avec la peinture et sculpture. En 1859, Baudelaire a écrit  un pamphlet, se moquant de différents genres de la photographie contemporaine. Pour l'auteur des Fleurs du Mal, les photographes sont des artistes ratés qui se vengent de leur insuccès en prenant le dessus sur l'art authentique: "Comme l'industrie photographique était le refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués, ou trop paresseux pour achever  leurs études, cet universel engouement portait non seulement le caractère de l'aveuglement et de l'imbécillité, mais avait aussi la couleur d'une vengeance". (Baudelaire: L'irréductible, D. Compagnon).L'art ne peut rester que la reproduction fidèle de la nature et si la photographie doit tenir un rôle, alors c'est celui du témoin, de la mémoire. C'est effectivement peu. Aujourd'hui, nous sommes très loin de cette approche, et heureusement pour nous photographes, la photographie a su se faire sa place dans la cour des artistes. Ceci n'a été ni facile, ni rapide, enchaîne David Brunel. Les photographes veulent que leurs oeuvres soient reconnus comme art et s'inspirent de la peinture en utilisant des techniques utilisées de celle-ci. Entre 1890 et 1914 se développe un mouvement esthétique international, connu sous le nom de pictorialisme. Les photos et notamment les portraits ont perdu un peu de leur réalisme, s'adoucissant et faisant penser à une combinaison entre la photo et la gravure. Malgré la durée de vie relativement courte de ce mouvement, il a permis d'élever la photographie à un niveau artistique et a ouvert la voie pour les photographes du 20e siècle. La photographie humaniste a fait son temps. Elle était utile après la guerre en ne montrant que du beau et en élevant ainsi le moral de la population lorsque c'était nécessaire. Aujourd'hui, avec la facilité et la banalisation de la photographie, on pourrait constater un retour de cette catégorie qualifiée "humaniste". Si elle existe, c'est en parallèle avec la photographie artistique qui n'a rien perdu de son attrait et qui a toujours sa place dans la cour des arts.La conférence s'est terminée devant les immenses photos de Andreas Gursky, affilié au mouvement de la photographie objective, apparue en Europe durant les années 1980. A premier abord, on peut se rappeler les débuts de la photographie "humaniste", mais ici, on exploite le langage photographique en évacuant les conditions subjectives de la prise de vue en se concentrant sur la force plastique de l'image et sa capacité d'abstraction  (catalogue d'exposition). Ceci est surtout palpable sur la photo Qatar, représentant une gigantesque cuve de stockage de gaz liquide.